Participation aux bénéfices
Introduction de la prime bénéficiaire dans le cadre du régime de participation des travailleurs au capital et aux bénéfices des entreprises
Nous en avons déjà parlé. Ce système existant vient d'être modifié par la fameuse Loi Programme de fin 2017 que nous retrouvons dans pas mal de modifications importantes de notre législation sociale.
Il vient s'ajouter à celui de la CCT 90 (avantages non récurrents liés aux résultats) qui est discutée très souvent dans les entreprises.
Je vais reproduire ici in extenso un article paru sur le site de Wolters Kluwer "Social Eye".
Il est assez long mais reprend toutes les dispositions applicables.
Etant donné les questions que certains militants se posent sur ce système, je pense intéressant de mettre sur ce blog les infos nécessaires en la matière.
Sur le plan des cotisations ONSS, la CCT 90 permet depuis quelques années une contribution à la Sécu puisqu'une retenue de 13,07% est appliquée sur l'indemnité brute de référence dans l'entreprise. Ce système de participation aux bénéfices prévoit quant à lui une cotisation de solidarité de 13,07% à charge du travailleur.
Voici l'article de "Social Eye" dont question (https://socialeye.kluwer.be) :
Contexte
L’instauration du plan de participation nécessite la conclusion d’une CCT spécifique ou d’un acte d’adhésion (pour les sociétés sans délégation syndicale). Ce régime a rencontré peu de succès en raison de la lourdeur de certaines contraintes.
Prime bénéficiaire au lieu de participation aux bénéfices
Le volet participation au capital reste pratiquement inchangé. Toutefois un montant plus important de participations au capital pourra être accordé. En effet, jusqu’à présent, le montant total des participations au capital et aux bénéfices accordés aux travailleurs ne pouvait, à la date de clôture de l’exercice comptable, dépasser un double plafond: 10% de la masse salariale brute totale et 20% du bénéfice de l’exercice comptable. Ce plafond n’est désormais plus applicable qu’aux participations au capital et plus aux participations aux bénéfices.
Le régime de participation aux bénéfices cède lui la place au régime de primes bénéficiaires pour les travailleurs. Ce régime devrait permettre aux sociétés de récompenser de manière simple et flexible leurs travailleurs via un prime représentant soit une somme d’argent, soit un pourcentage de leur rémunération ou du bénéfice distribuable sans toutefois leur donner un droit de vote dans l’entreprise (Doc. Parl., Chambre, 2017-2018, n° 54-2746/001, p. 13).
Le gouvernement espère ainsi relancer l’intérêt des sociétés pour cette législation en offrant une possibilité simple à mettre en œuvre tout en garantissant son attractivité aussi bien pour les sociétés que pour les travailleurs.
Définition, personnes bénéficiaires visées et limitation
Par prime bénéficiaire, on entend une prime versée en espèces dans le cas où la société ou un groupe de sociétés décide d’attribuer par décision de son assemblée générale la totalité ou une partie de son bénéfice aux travailleurs.
Comme l’ancien régime de la participation aux bénéfices, le régime de la prime bénéficiaires est ouvert uniquement aux travailleurs, à savoir les personnes accomplissant un travail contre rémunération dans le cadre ou en dehors d'un contrat de travail et sous l'autorité d'une autre personne (art. 2, 2°, loi du 22 mai 2001).
Le régime ne concerne pas donc pas les dirigeants d’entreprise. Selon l’exposé des motifs, cette exclusion vise les dirigeants d’entreprise de la 1ère catégorie de l’article 32, alinéa 1er, 1°, C.I.R.92, à savoir les dirigeants d’entreprise-personnes physiques qui exercent un mandat d’administrateur, de gérant, de liquidateur ou des fonctions analogues (Doc. Parl., Chambre, 2017-2018, n° 54-2746/001, p. 14). Toutefois la définition du terme «travailleur» semble également exclure les dirigeants d’entreprise de la deuxième catégorie (art. 32, al. 1er, 2°, C.I.R.92), à savoir les personnes physiques qui exercent au sein de la société une fonction dirigeante ou une activité dirigeante de gestion journalière, d’ordre commercial, financier ou technique, en dehors d’un contrat de travail. Une précision à cet égard ne serait toutefois pas inutile.
En aucun cas, la prime bénéficiaire ne peut être instaurée en vue de remplacer ou de convertir des rémunérations, primes, avantages en nature ou généralement quelconques, ou des compléments à tout ce qui précède, qu'ils soient assujettis ou non aux cotisations à la sécurité sociale, prévus dans des conventions individuelles ou collectives. En effet, il s’agit d’une prime additionnelle, octroyée unilatéralement par l’employeur et assortie d’un traitement fiscal et social propre. Le but de cette limitation est d’éviter un glissement d’une partie de la rémunération vers la prime (Doc. Parl., Chambre, 2017-2018, n° 54-2746/001, p. 15).
Enfin, le montant total des participations dans le bénéfice, octroyé aux travailleurs en application de la prime bénéficiaire, ne peut, à la clôture de l'exercice comptable, dépasser la limite de 30% de la masse salariale brute totale.
Prime identique et prime catégorisée
Comme dans l’ancien régime, chaque employeur peut prendre l'initiative d'instaurer un plan de participation, et donc une prime bénéficiaire. Il s’agit donc d’une initiative propre de l’employeur qui prend, chaque année, une décision unilatérale d’octroyer ou non une prime bénéficiaire.
L’employeur a le choix entre deux formes de primes bénéficiaires: la prime identique et la prime catégorisée.
Prime identique
La prime bénéficiaire identique est la prime bénéficiaire dont le montant est égal pour tous les travailleurs ou dont le montant correspond à un pourcentage égal de la rémunération de tous les travailleurs.
La décision d'octroyer une prime bénéficiaire identique est prise par une assemblée générale ordinaire ou extraordinaire à la majorité simple des voix.
Le procès-verbal de la réunion de l'assemblée générale lors de laquelle la décision d'octroyer une prime bénéficiaire est prise contient au moins les mentions suivantes:
- le montant identique de la prime bénéficiaire ou le pourcentage identique de la rémunération qui est attribué aux travailleurs;
- «la manière dont la rémunération sur laquelle le pourcentage est fixé est calculé dans le cas où une telle option est prise». Cette formulation est assez étrange. Si l’on s’en réfère au texte néerlandais, on pourrait interpréter cette formulation comme suit: «la méthode de calcul de la rémunération sur laquelle est fixé le pourcentage si une telle option est prise»;
- les règles d'attribution qui sont prises en compte dans le cas où une condition d'ancienneté est prévue. On ne peut prévoir qu'une ancienneté d'un an maximum. Il sera tenu compte de tous les contrats successifs pris en considération ensemble pour le calcul de l'ancienneté du travailleur qui était en service sur la base des contrats successifs;
- le mode de calcul prorata temporis du montant de la prime unique, en cas de suspension volontaire ou de résiliation du contrat de travail, sauf en cas de motif grave imputable au travailleur.
L'employeur doit informer les travailleurs quant à la décision d'octroi d'une prime identique. Selon l’exposé des motifs, il le fait de façon écrite, c’est-à-dire un écrit, un courrier électronique, une publication sur l'intranet ou tout autre moyen écrit qui lui convient (Doc. Parl., Chambre, 2017-2018, n° 54-2746/001, p. 13). On peut imaginer qu’en présence d’un conseil d’entreprise, ce dernier doit être informé de la décision de l’employeur.
Prime catégorisée
La prime catégorisée est la prime bénéficiaire qui est attribuée en espèces à tous les travailleurs, dont le montant est dépendant d'une clé de répartition qui est appliquée sur la base de critères objectifs tels que visés en exécution de l'article 10, § 2, de la loi du 22 mai 2001. On vise ici les critères fixés par l’A.R. du 19 mars 2002 (M.B., 30 mars 2002). Sont ainsi visés:
- l'ancienneté;
- le grade;
- la fonction;
- le niveau barémique;
- le niveau de rémunération;
- le niveau de formation.
En aucun cas, ces critères ne peuvent entraîner une différenciation des avantages octroyés en vertu du plan de participation aux différents travailleurs supérieure à un rapport compris entre 1 et 10.
Pour l'introduction d'une prime bénéficiaire catégorisée, les mêmes modalités que celles qui sont prévues pour l'introduction d'un plan de participation au capital sont d'application. Cela signifie que dans la mesure où la société dispose d’une délégation syndicale, cette prime bénéficiaire catégorisée devra faire l’objet d’une convention collective de travail (CCT), laquelle devra remplir toute une série de conditions, tant au niveau de la forme qu’au niveau du fond. En l'absence de délégation syndicale, l’employeur aura le loisir de choisir soit la voie de la CCT, soit la voie de l’acte d’adhésion.
Limite individuelle?
Apparemment, il n’existe aucune limite individuelle concernant la prime bénéficiaire. Il serait par exemple possible que les cadres supérieurs reçoivent une prime bénéficiaire s’élevant à 50% de leur salaire brut, si la masse totale de primes bénéficiaires reste sous la barre des 30% de la masse salariale brute et si la catégorie la plus basse reçoit au minimum 5% du salaire brut.
Absence de droit acquis
L’article 23 de la loi du 5 décembre 1968 sur les conventions collectives de travail et les commissions paritaires n’est pas d’application à la prime bénéficiaire. Cela signifie que l’octroi d’une prime bénéficiaire une année n’implique pas que cette prime sera d’office octroyée les années suivantes. Le contrat du travailleur n’est pas modifié sur ce point et le travailleur ne pourrait revendiquer une prime bénéficiaire dans le futur (Doc. Parl., Chambre, 2017-2018, n° 54-2746/001, p. 15).
Plan d’épargne d’investissement pour les petites sociétés
Comme cela existait pour le désormais ancien régime de participation aux bénéfices, les petites sociétés au sens de l’article 15 du Code des sociétés peuvent opter pour l’octroi d’une prime bénéficiaire dans le cadre d’un plan d’épargne d’investissement.
Il s’agit d’un plan en vertu duquel la prime bénéficiaire n’est pas attribuée mais mise à la disposition de la société par les travailleurs sous la forme d’un prêt non subordonné. Ce prêt doit avoir une durée de minimum 2 ans et de maximum 5 ans.
Les retenues fiscales et de sécurité sociale
Les retenues de sécurité sociale
La prime bénéficiaire n’est pas considérée comme une rémunération pour l’application des cotisations sociales. Une cotisation de solidarité de 13,07% est toutefois due à charge du travailleur. Elle est due sur le versement en espèces de la prime identique et sur le versement en espèces de la prime catégorisée (nouvel article 38, § 3septies de la loi du 29 juin 1981 établissant les principes généraux de la sécurité sociale des travailleurs salariés).
Il faut noter que cette prime bénéficiaire n’est pas non plus considérée comme une rémunération pour l’application de la loi du 3 juillet 1978 sur les contrats de travail (et n’entre donc pas en considération pour le calcul de l’indemnité de rupture) et n’entre pas dans le champ d’application de la modération salariale.
Les retenues fiscales
La prime bénéficiaire est soumise à une retenue fiscale libératoire qui figure dans le Code des taxes assimilées aux impôts sur les revenus (art. 112 à 119 CTAIR). Cette taxe est mise à charge du travailleur et est retenue par l’employeur. Le mode de versement, l'établissement et le recouvrement de la taxe sont déterminés conformément aux règles applicables au mode de versement, à l'établissement et au recouvrement du précompte mobilier.
Le taux de la taxe est fixé à:
- 15% pour les participations au capital;
- 15% pour les primes bénéficiaires en faveur des travailleurs, attribuées dans le cadre d'un plan d'épargne d'investissement et qui font l'objet d'un prêt non subordonné; si la période d’indisponibilité n’est pas respectée, une taxe additionnelle de 23,29% est due;
- 7% pour les primes bénéficiaires pour les travailleurs non visées par le taux de 15%.
Au niveau des impôts directs, la prime bénéficiaire est exonérée pour le travailleur (art. 38, § 1er, al. 1er, C.I.R.92) et constitue une dépense non admise dans le chef de l’employeur (art. 198, § 1er, 2° et 12°, C.I.R.92). Il faut signaler qu’il s’agit d’une «mauvaise» DNA qui exclut toute déduction de libéralités, pertes antérieures ou RDT.
La prime bénéficiaire est mentionnée sur la note de calcul qui est jointe à l'avertissement-extrait de rôle en matière d'impôt des personnes physiques du travailleur (nouvel alinéa ajouté à l’art. 304bis C.I.R.92).
Cumul
Apparemment à la lecture des textes légaux, les primes bénéficiaires peuvent être combinées aux avantages non récurrents liés aux résultats accordés dans le cadre de la CCT n° 90. On peut par ailleurs se demander si la prime bénéficiaire ne va pas supplanter les avantages prévus par la CCT n° 90 en raison du caractère beaucoup moins contraignant de son attribution.
Sanction
Est puni d'une sanction de niveau 2 l'employeur, son préposé ou son mandataire qui n'a pas agi conformément aux obligations prescrites par la loi du 22 mai 2001 relative à la participation des travailleurs au capital des sociétés et à l'établissement d'une prime bénéficiaire pour les travailleurs et à ses arrêtés d'exécution (art. 103 du Code pénal social).
L'amende est multipliée par le nombre des travailleurs concernés.
Entrée en vigueur
Les nouvelles dispositions entrent en vigueur le 1er janvier 2018, étant entendu que les primes bénéficiaires ne peuvent être octroyées que sur la base du bénéfice de l'exercice clôturé au plus tôt le 30 septembre 2017.
Source: art. 42 et 43, 49 à 54 et 70 à 78 loi-programme du 25 décembre 2017, M.B., 29 décembre 2017
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